MINORA CANAMUS, PAULUS

 

MINORA CANAMUS, PAULUS

Il est bien exigeant, notre aimable chanteur !
Croiriez-vous qu’il actionne encor son directeur
Parce que, dans sa loge, on refuse au comique
De mettre du Congo, — ce savon magnifique,
Qui rajeunit les traits de ce bourreau des cœurs !

Paru le 16 mars 1887 dans Gil Blas.

 

Notes :

Affiche publicitaire pour le chanteur Paulus, entre 1880 et 1890. © Musée Carnavalet

Le titre provient de celui d’un poème de Victor Hugo, « Paulo minora canamus » (« chantons des sujets plus humbles »), des Chansons des rues et des bois (1865). Hugo y inversait le sens d’un vers des Bucoliques de Virgile : « paulo majora canamus » (« chantons des sujets un peu plus élevés »).
Chez Virgile et Hugo, « paulo » signifie « un peu ». Ici, « Paulus » désigne le célèbre chanteur comique Paulus au sujet duquel on raconte, en ces années de gloire, beaucoup d’anecdotes, concernant notamment ses excès d’amour-propre. Ainsi, le poème fait certainement référence à une exigence de Paulus en septembre 1884, qui fit couler des torrents d’encre et qui fut parodiée sous toutes les formes : il refusa de chanter au Concert Parisien parce qu’on n’avait pas mis à sa disposition « une loge arrangée avec suffisamment de confortable ».
Parmi les nombreux commentaires de la presse, citons celle d’un certain Frimousse dans Le Gaulois du 14 septembre 1884 :
« Voici comment M. Paulus lui-même nous décrit la loge dans laquelle le directeur du Concert Parisien l’a séquestré pendant de longs mois :
Une cellule genre Mazas — pas de chaises — un escabeau — pot et cuvette en étain — exhalaisons méphitiques, pas d’air et contigu au tonneau !
Ci-joint un plan explicatif pour les personnes qui n’auraient pas bien compris toute l’horreur de la situation :

Je ne crois pas avoir besoin d’insister. Mes lecteurs sont sans doute pénétrés d’effroi à l’idée de cet infortuné auquel un simple escabeau a été donné pour reposer sa tête. Quant au pot et à la cuvette en étain, ils évoquent forcément des idées d’empoisonnement que les exhalaisons méphitiques ne peuvent que confirmer.
Et le tonneau ! Qu’est-ce que le tonneau ? me direz-vous, Hé ! que serait-ce, sinon un tonneau de poudre près duquel le directeur du Concert Parisien se tenait jour et nuit, mèche allumée, pour le cas où M. Paulus tenterait de se révolter ?
Les faits sont connus, l’opinion publique jugera.
Quant à moi, je me demande ce que nous allons devenir si les directeurs de café-concert ont ainsi à leur disposition des cachots et des oubliettes, où ils peuvent faire pourrir leurs ennemis sans être inquiétés par la police. ».

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